Cet album propose une réinvention très originale du conte du petit poucet, en s’inspirant des légendes slaves.
Le texte de Christine Beigel est rempli de formulations amusantes et créatives qui lui donne un style « décalé », que je trouve agréable à lire à haute voix. C’est frais et réjouissant pour les oreilles de nos petits lecteurs (pour les GS), on ressent le plaisir de l’autrice a écrire cette histoire loufoque et inventive. C’est certain qu’avec ce style audacieux, l’album peut ne pas plaire à tout le monde… Ce livre témoigne pourtant de la diversité et de la richesse du patrimoine de la littérature jeunesse.
Voici un extrait du début de l’histoire pour vous donner une idée : « Cette nuit ensoleillée, Mamouchka-la-très-forte donne jour à sept filles, zou, zou, zou, zou, zou, zou et zzz, allez ! zzzz, eh ! oh ! tu sors ? zzzzzou ! Voilà sept poupées russes qui surgissent l’une après l’autre de sous son vaste jupon. Mamouchka-la-très-forte n’a pas beaucoup d’imagination, et son bûcheron de mari, Papouchka-le-nuageux, encore moins. Ils s’en tiennent donc à Irina, le prénom qu’ils avaient choisi pour leur fille unique, parce que évidemment ils n’auraient jamais imaginé qu’ils en auraient sept d’un coup. Ils classent leurs sept filles par ordre d’arrivée, qui est aussi leur ordre de grandeur. Voici donc Irina-la-toute-grande, Irina-la-grande, Irina-la-moyenne-grande, Irina-la-moyenne, Irina-la-moyenne-petite, Irina-la-petite, Irina-la-toute-petite. »
Christine Beigel prend aussi des libertés langagières amusantes avec des néologismes à base de répétitions de syllabes : « la mer Blanche glaglacée », « il fait nuit-nuit », « il fait un froid à gigivrer son unique cheveu sur la tête. Un froid à peperdre sa dernière dent. Un froid polaire à rester cocollé sur la banquise. » Le texte est pétillant, insolite et peut paraître complexe à comprendre en maternelle. Néanmoins, la compréhension globale de l’histoire est accessible aux élèves de grande section.
Les illustrations de Mathilde Bourgon accompagnent harmonieusement le texte. On y découvre une palette de couleurs vives et des motifs graphiques qui s’inspirent des costumes folkloriques slaves.
Dans l’histoire, les fillettes doivent quitter la maison familiale (comme le petit poucet). Elles font de drôles de rencontres. En effet, sept animaux fantastiques vivent dans la forêt, ainsi qu’un personnage emblématique qu’on retrouve dans les contes des pays de l’est : la terrible Baba-Yaga-la-gaga, qui fait référence à Baba Yaga (une grand-mère sorcière).
Le texte et les illustrations apportent de nombreuses exploitations possibles. Par exemple, les dénominations des bêtes sauvages (chat-la-fourrure-bleue-fureur, renard-le-roux-rusé, loup-le-tout-fou-touffu, crapaud-le-tout-beau…) pour lesquelles l’autrice joue avec les aspects descriptifs et les sonorités ; cela peut être repris pour un travail de production écrite avec les GS où les élèves inventent d’autres noms.
Dans tous les cas, cet album est un vrai coup-de-cœur que j’avais très envie de partager par ici. J’espère contribuer à le faire connaître car il me semble très intéressant pour les enseignants de GS et de cycle 2. ❤
Référence de l’Album sur Amazon :
« Irina la toute petite » est un album écrit par Christine Beigel et illustré par Mathilde Bourgon. Il est paru en octobre 2023 aux éditions Gautier Languereau. |