Sanctionner sans punir…

Un petit rappel pour commencer : Punition, sanction ? Quelle différence entre les deux ?
La punition a une dimension répressive et traduit un rapport de force entre l’adulte dominant et l’enfant dominé, elle est subjective, souvent due à une réaction émotionnelle ; la sanction se justifie par la mise en place de règles connues et acceptées, c’est la conséquence naturelle à un acte de transgression.

Sanctionner Punir - Jacques Salomé

Citations de Jacques Salomé, psychosociologue

Les punitions permettent d’asseoir une domination de l’enseignant sur son élève. Depuis les débuts de l’Education Nationale, des générations d’élèves impuissants ont subi divers traitements punitifs en milieu scolaire : les coups de règles qui meurtrissent, les cent lignes à recopier, le bonnet d’âne qui humilie…

Alors oui, les punitions fonctionnent et mettent fin aux comportements perturbateurs dans l’instant. Mais elles ont des effets destructeurs en provoquant des sentiments d’injustice, de dévalorisation (baisse de l’estime de soi) et d’humiliation chez l’enfant. On retrouve cette idée dans les invariants pédagogiques de Freinet : « Les punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n’aboutissent jamais au but recherché. »

La punition entraîne chez le puni les 4 R selon Jane Nelsen (dans « La discipline positive » – lien vers mon article sur cet ouvrage ) : Rancoeur, Revanche, Rébellion et Retrait. L’enfant peut perdre confiance en l’adulte, la punition peut lui donner envie de recommencer sans se faire prendre, de transgresser pour montrer qu’on ne peut pas « l’obliger ».

Sur le moyen et le long terme, les punitions peuvent aussi causer des dégâts au niveau du développement de l’enfant. Et elles n’ont aucune portée pédagogique.

« Si les punitions éduquaient, il y a belle lurette que l’espèce humaine ne commettrait plus de crime. » (citation d’Isabelle Filliozat, psychothérapeute)

Même si le bien-fondé du choix de la sanction plutôt que de la punition n’est plus à démontrer, dans la pratique, on rencontre encore dans certaines écoles des adultes autoritaristes, qui se font respecter au doigt et à l’œil, dans la toute-puissance. Les menaces punitives planent et les enfants obéissent, par peur d’être punis. Les règles ne font pas sens pour eux sous ce régime autoritaire (de la terreur ?).

L’Ecole est un lieu pour apprendre, un lieu où on peut faire des erreurs, mais ça ne peut bien sûr pas être une zone de « non-droit ». La vie en collectivité induit un règlement à respecter. Lorsqu’un comportement n’est pas acceptable pour « vivre ensemble », qu’il y a une infraction des règles, cela conduit souvent à une sanction. Le cas échéant, la sanction doit être éducative. Sanctionner, ce n’est pas punir. Sanctionner, c’est confronter l’élève à la réalité et à un cadre sécurisant avec des limites, c’est lui faire comprendre le lien entre ses actes et leurs conséquences.

sanctionner et responsabiliser un sujet en devenir - Eirick Prairat

La sanction est individuelle (une sanction collective est toujours injuste !) mais elle ne porte pas atteinte à l’individu, elle sanctionne des actes et une transgression effective des règles établies (on ne peut pas sanctionner sous couvert d’un principe de précaution – exemple de sanction injuste qui ne peut pas être cautionnée : « Léo et Yanis, à chaque fois que vous vous rangez ensemble, vous finissez par vous chamailler, donc rangez-vous chacun avec quelqu’un d’autre. »).

Ce n’est pas l’enfant qui est « mauvais » mais le comportement inapproprié qu’il a eu à un instant donné. C’est très important de faire attention à ses mots en tant qu’enseignant(e) pour qu’il n’y ait pas confusion dans l’esprit de l’élève.

La sanction doit être graduée, proportionnelle à la faute commise. Elle se base sur des faits, elle ne doit pas laisser place aux interprétations et jugements, l’enseignant(e) doit être équitable, juste. La sanction peut prendre la forme d’une privation temporaire. Lorsqu’un élève est mis à l’écart, ce n’est pas pour l’humilier, il faut bien lui formuler qu’on l’isole pour l’aider à retrouver son calme intérieur. La sanction éducative s’accompagne d’une démarche réparatrice (demander des excuses, réparer un objet, nettoyer le dégât…).

proverbe chinois

L’autorité éducative pratiquée dans le respect de l’autre et de la bienveillance encourage la connaissance de soi. Une sanction « positive » est l’occasion de réparer sa faute et de se réconcilier avec soi-même. Elle nécessite une certaine capacité d’écoute et d’empathie.

Rester dans la bienveillance ne veut pas dire qu’on ouvre la porte à la permissivité et au laxisme. 😉


(prix d’achat fixé par l’éditeur : 7,90€)

2 réflexions sur « Sanctionner sans punir… »

  1. ETS

    Merci pour cet article qui confirme mes réflexions (encore naissantes) sur ces sujets. Je suis Tout neuf dans le métier voir même encore à l’état embryonnaire puisque stagiaire post concours. Auriez vous des exemples de sanctions (graduées) négatives mais aussi positives (pour engager les élèves dans un contrat d’amélioration de comportement) à mettre en place en cycle 1 SVP. Bien sûr je suis consciente que les sanctions ne peuvent se calquer d’une classe à une autre mais une source d’inspiration prise auprès de pédagogues expérimentés me serait plus que très utile!
    Merci pour votre travail partagé.*

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    1. Maternelle de Bambou Auteur de l’article

      Merci pour ce message. Mais je suis encore en début de carrière et ne pense pas être la mieux placée pour vous répondre. Depuis la rentrée, j’ai justement une classe à gros effectif avec des élèves perturbateurs qui me font cogiter sur le sujet… Ce n’est pas toujours facile de sanctionner sans punir. Pour que la sanction soit bien comprise, il me semble important de la relier à la règle qui n’a pas été respectée et d’être équitable pour tous les élèves.

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